Vers une architecture plus humaine
A chaque fois que je regarde ces établissements informels, j’ai de l’espoir.
J’ai de l’espoir en tant qu’être vivant car je vois qu’il n’y a pas besoin d’être riche pour avoir un espace d’habitation.
J’ai encore plus d’espoir en tant qu’architecte car je vois la solution à nos défis architecturaux et urbains au Bénin, en Afrique et partout dans le monde.
Je vois donc de la simplicité, de la fonctionnalité, de la beauté, de l’amour et de l’humanité.
Je vois une architecture vraie, nécessaire et de besoin, pas une architecture fausse et capricieuse. Je vois une architecture locale, pratique, écologique, qui a une identité, de la vie et des couleurs.
C’est fascinant comment de simples habitants, sans formation en architecture ou en ingénierie sont capables de construire plus responsablement que nous les professionnels diplômés.
Regardez comment ils utilisent les branches de palmiers pour créer leurs murs et façades : des murs qui sont faits d’un matériau local et accessible, des murs qui respirent car ils facilitent et permettent une ventilation naturelle. Regardez de plus près et vous verrez comment ils connectent de manière simple les différents membres de ces branches de palmiers pour soutenir la façade murale. Pour moi c’est fascinant et j’en suis en réalité amoureux. Dites-vous que ce sont des villageois qui façonnent ces panneauxs de murs en branches de palmiers et les envoient en ville pour les vendre.
Mais en réalité, il n’y a pas de magie ou de secret. Leur force est dans leur humanité et dans la simplicité de leurs vies de tous les jours. Ils n’ont pas le choix économiquement donc ils utilisent leurs têtes. Ils construisent avec le strict minimum et les matériaux disponibles autour d’eux. Et croyez-moi, cela est la meilleure manière de construire et de vivre sa vie en réalité.
Regardez comment ils utilisent les briques et les pneus pour empêcher leurs toits de s’envoler. Regardez l’harmonie et l’esthétique dans la disposition de ces matériaux de tous les jours, des matériaux recyclés. La façade est plus que jamais animée. Regardez et voyez la beauté dans ces magnifiques pièces d’art qui inondent nos villes, mais ne sont pas vues pour ce qu’elles sont. Sous les pierres et pneus, vous pouvez voir des bâches. Ce n’est pas un hasard car les bâches sont résistantes et imperméables à la pluie.
Allez dans ces établissements informels et vous verrez la vie qui s’y trouve. Ils ont leurs écoles, leurs églises, leurs mosquées, leurs bars et espaces de divertissement et j’en passe. Ils ont même des puits qu’ils font eux même. C’est juste époustouflant. Et quand vous passez devant ces établissements informels, faites attention à comment les enfants et les plus jeunes s’amusent et activent les rues qui sont les artères et veines d’une ville. Vous verrez rarement ce moment devant nos maisons derrière nos forteresses en béton.
Mon message est simple. Nous devons nous ré- accaparer de notre identité architecturalement et urbainement. Nous devons nous ré-accaparer de notre architecture vernaculaire et arrêter de copier et d’être influencé par une architecture occidentale et d’origine coloniale qui n’a pas sa place dans notre environnement, dans notre paysage. Comme je le dis souvent « Le béton n’est pas le matériau adéquat pour notre climat tropical ici au Bénin. C’est juste une influence coloniale dont nous avons hérité avec le temps. Le béton absorbe et prend du temps à relâcher la chaleur d’où notre dépendance à la ventilation mécanique quand vient le soir – dépendance en réalité malsaine –
Nous devons impérativement intégrer les établissements informels dans les paysages et tissus urbains de la ville, au lieu de les en écarter. Cela est notre plus grosse erreur, car en réalité, ce sont nous qui bénéficierons énormément d’eux, pas le contraire.
J’aimerais aussi ajouter que je pense que le terme « établissement informel « devrait être banni et/ou changé. A titre d’information, ces établissements informels paient des impôts et souvent même louent les terrains sur lesquels ils se posent.
Après avoir lu cet article, regardez de nouveau ces établissements informels d’un autre œil et inspirez-vous de leurs architectures et de leurs habitants. Vous ne verrez plus la ville de Cotonou de la même manière. Vous ne vous verrez plus de la même manière.
Cela pourrait vous prendre du temps comme toute nouvelle habitude, mais croyez-moi, cela en vaut la peine.
Article écrit en 2015 par Habib Mémé, Architecte, Co-fondateur de l’Atelier des Griots et Directeur du Cabinet Architecture du Soleil – CAS
ClemJoe
14 janvier 2022je suis tout à fait d’accord avec vous monsieur Habib Mémé, votre message m’inspire beaucoup. merci